Connaissez Vous Sarah Hébert ?

Elevée sur un voilier autour du monde durant les 12 premières années de sa vie, elle a très tôt tissé de très forts liens avec la mer et la nature, qui l’ont amené à voyager et à enchaîner les compétitions internationales en windsurf. A la suite de troubles respiratoires, elle s’est vue dans l’obligation d’accepter la greffe d’un défibrillateur à 22 ans, épreuve qui lui a changé la vie et l’a amenée a repousser encore plus loin ses limites par la suite, prouvant ainsi que beaucoup de choses sont possibles avec de la volonté. Après sa tentative avortée de traversée de l’Atlantique en planche à voile, elle est partie se ressourcer en Amazonie et nous explique ici le beau et instructif voyage qu’elle a réalisé avec comme objectif de remonter le rio Tapajos en Sup. Vous pouvez également admirer le beau trailer plus bas, avant le documentaire qui suivra fin 2013 …

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« C’est suite à ma rencontre il y a 4 ans avec Gil, un windsurfer et guide touristique de Santarem, en Amazonie, que j’ai décidé de mettre en place cette expédition. L’objectif : remonter le rio Tapajos en Stand Up Paddle, entre autre, avec comme objectif la réalisation d’un documentaire sur la vie des locaux, leur rapport au fleuve et les dangers qui menacent cette magnifique biodiversité.

Après 3 jours de découverte aux alentours de Santarem, très vite le ton était donné. Dans cette chaleur étouffante vont se mêler sous mes yeux, espèces tropicales rares et destructions massives de l’environnement (déforestation, agriculture intensive).

Partis le samedi 7 septembre d’Alter do chao, nous avons rejoint en milieu d’après-midi la communauté de Jamaraqua. Première rencontre avec ceux qui vivent en harmonie avec le Tapajos. Premiers coups de rame aussi, cette fois c’est sûr, je ne pourrai ramer qu’en matinée, à partir de 11 h le soleil m’assomme, mon corps ne cesse de dégouliner et j’ai beau boire des litres, le mal de tête n’est jamais très loin. C’est ce que nous avions prévu Gil et moi, ramer uniquement le matin et le soir, l’essentiel n’étant pas la performance physique mais la rencontre avec une culture différente. A Jamaraqua, notre capitaine, Iracedio, nous invite chez lui en compagnie de ses animaux domestiques, deux perroquets et un fourmilier. Iracedio nous fait découvrir son domaine, un long labyrinthe dans une forêt noyée qui débute avec un passage sous de petits singes blancs avant d’arriver à une source à l’eau limpide.

Première nuit sur la plage en hamac, je retrouve avec émerveillement le souffle de la jungle et ses bruits indéfinissables.

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Dimanche 8, direction la communauté de Itapuama, isolée au cœur du parc national Floresta do Tapajos. Ce petit village m’accueille à bras ouverts. Les enfants sont et seront toujours les premiers à s’attrouper autour de ma planche, une fois sous leurs pieds ils ne la quitteront plus jusqu’à la tombée de la nuit.

Ici, les femmes et les enfants sont nombreux, je découvre avec enthousiasme l’école et ses élèves attentifs, dans leurs livres apparaissent le monde géopolitique, la ville et ses commodités… un quotidien courant pour nous occidentaux mais bien loin de leur réalité. Et pourtant c’est grâce à cette ouverture sur le monde qu’ils pourront s’y adapter. A côté du village, sur la petite rivière, un énorme bateau en bois a fait son camp de base pour réaliser des prélèvements scientifiques. Des hommes armés s’éloignent dans la jungle tandis que d’autres reviennent avec des petits poches contenant des insectes, oiseaux, chauve souris… Cette expédition est organisée par l’université d’Amazonie, l’IMPA. L’Amazonie n’a pas encore délivré tous ses secrets et de nombreuses espèces restent à découvrir.

Lundi 9, réveil dans mon hamac installé sur notre petite barque, les singes ont hurlé toute la nuit, un bruit sourd et régulier qui m’a bercé tout comme le clapotis des vagues. Côté santé, la forme est bonne mais les piqures de petites mouches suceuses m’ont couverte de boutons de la tête aux pieds. Rien de grave. La route continue et c’est avec grand plaisir que je replonge ma pagaie dans l’eau émeraude du Tapajos. Cette eau qui autrefois était bien plus transparente. La route est longue aujourd’hui, nous réalisons une pause déjeuner à Aveiro, un village de quelques centaines d’habitants. Ici en discutant avec les locaux, nous comprenons que nous nous rapprochons d’un des principaux dangers qui menacent le fleuve : la construction de barrages hydrauliques.

Alors que les enfants jouent avec ma planche, les anciens m’expliquent que le fleuve va mourir et que les bateaux pour passagers, principal moyen de transport ici, ne pourront bientôt plus circuler normalement. En quittant ce village je comprends le désarroi de ses habitants. La route est longue et c’est à bord de notre petit bateau que je m’installe pour rejoindre notre destination finale du jour. Alors que le ciel se couvre j’en profite pour me remettre à l’eau, une heure plus tard Fordlandia apparait sous mes yeux. Cette vieille exploitation de caoutchouc a aujourd’hui des allures de fantôme. Cet idéal capitaliste au fonctionnement colonialiste a ici montré ses limites.

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Mardi 10, 3 heures du matin, les orages ne cessent de gronder et la pluie ruissèle sur les rues boueuses. L’aventure continue mais sans ma planche, nous nous dirigeons aujourd’hui vers une zone à risque du Tapajos, Itaituba et ses environs. Cette partie du fleuve fait l’objet de nombreuses convoitises locales et internationales entrainant inévitablement son lot de violences. Sans mon SUP nous serons plus mobiles pour s’adapter ou fuir le danger. Nous prenons place au petit matin à bord d’un bateau à passagers, où nous attend une lente remontée vers le point névralgique des trafiquants d’or et de minéraux en tous genres. Après une discrète interview avec la représentante de l’association locale « Movimiento dos antingidos por barragens », nous courons sur le rivage pour atteindre l’embarcadère où un bac amène les passagers et les voitures sur l’autre rive du Tapajos.

C’est dans la benne d’un pickup que nous nous dirigeons vers Pimental, une communauté directement menacée par un des 7 futurs barrages hydrauliques de Sao Louis do Tapajos. C’est avec une grande tristesse que je découvre qu’ici le fléau de l’élevage bovin a transformé la forêt tropicale en un immense pâturage. Certains troncs calcinés rappellent qu’il n’y a pas longtemps, régnaient ici quelques uns des plus grands arbres de la planète. La route s’achève sur un pont effondré, nous continuons à pied. Dans les longues allées poussiéreuses de ce petit village, nous commençons notre enquête pour comprendre la situation de ces habitants face au danger d’un engloutissement futur. Entre résignation et détresse, le bilan est bien triste quand nous rejoignons la famille du conducteur de notre pickup. Heureusement la vie est bien toujours là, les enfants nous invitent à découvrir leur sanctuaire, après une course à travers la forêt tropicale nous découvrons, Gil et moi, de magnifiques rapides. Ces toboggans naturels représentent de véritables attractions pour ces enfants. C’est sur ces cris et ces rires que le soleil se couche.

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Mercredi 11, nous avons décidé de rester un jour de plus ici, afin de comprendre l’impact que représenterait la construction des barrages hydrauliques. En discutant avec notre hôte nous avons découvert l’existence de tribus Mundurukus en amont du fleuve, non loin du rio Jamanxim, précisément là où la suite du complexe hydroélectrique pourrait être construit. Avant de quitter Pimental, un local nous met en garde face aux réactions parfois violentes des Mundurukus envers les inconnus. A bord d’une barque motorisée, nous affrontons les violents rapides de cette partie haute du Tapajos. Notre barque touche terre dans un port où une étrange ambiance règne, les regards sont rivés sur notre embarcation… »

… la suite en vidéo dans le documentaire en diffusion fin 2013. »

Sources : Sarah Hébert / http://windsurf-transatlantic.com/

Publié par Fred Bonnef

Fred Bonnef, alias la grandedouille, alias Gitano, connu en Andalousie sous le surnom de Dieguito la Cigala et aux Canaries sous celui de La Curbina, pro rideur wind et sup chez Fanatic, North sails, Ion et Outside Reef, voyageur, éducateur sportif, jardinier, plongeur, aide cuisine, cas pour la science, réparateur de voile, guerrier survivant, chanteur sous sa douche, directeur de course, rédacteur en chef de tripandride.com