Il y a mille manières de poursuivre sa passion, vivre ses rêves et cela passe parfois par un grand voyage, un nouveau départ. Mais lorsque l’on est une personne « normale » ( traduisez par normale une personne qui est obligée de travailler pour vivre … ), il faut trouver des moyens de subsistance pour aller au bout de ses projets, et autant essayer de joindre l’utile à l’agréable ! Voici le récit sympathique et bien écrit d’ Alexandre Colin, qui a quitté son job de moniteur de voile à Bandol, pour le même travail mais cette fois ci au chaud, au clube Kauli Seadi,  à Sao Miguel do Gostoso, dans le Nord du Brésil… On s’y croirait !

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Journal d’un moniteur de voile

 

Après 3 ans à rester en métropole en travaillant dans un club de voile à Bandol, j’ai décidé de vivre la vie que je voulais vivre, au Brésil, à São Miguel do Gostoso, libre.

En y repensant, j’avais passé toutes les étapes d’une petite vie presque classique en France. CDI, appartement décoré avec soin grâce à ikea/Cdiscount et Fly avec option copine et chat; à 25 ans, ma situation était enfin stable et pérenne. Mais qu’est ce que je m’ennuyais…

Après avoir eu à résilier mon CDI avec ma copine pour cause d’espionnage industriel pendant mon sommeil, je me retrouvais seul avec le chat dans ce bel appartement qui servait maintenant de stockage à souvenirs de couple.

Quelques clics plus tard mon contrat de 6 mois dans un club de windsurf brésilien ainsi que mon billet étaient  bookés.

La boite de vitesse de ma vie était passée en manuel.photo (22)

Je dors dans une maison réservée pour les moniteurs étrangers, c’est pas le grand luxe mais pas besoin de beaucoup plus…

Les locaux m’ont accueilli chaleureusement!  Je me renforce physiquement, les autres moniteurs sont tous super costauds.

Il y a David dit ninja, boit pas, fume pas, fidèle à sa nana et au code de l’honneur de son art martial, une variante de l’aikido. Mince et agile, il m’entraîne à grimper partout, sauter de haut sans se blesser en roulant à l’atterrissage.

Il y a Ivanilson dit machine, maître de capoeira et masse musculaire, né dans un village perdu dans les terres. Il construit sa maison lui même à sao miguel, maison qu’il paye en donnant des cours de kite au club. Il va m’apprendre le kite en échange de cours d’anglais. Il rêve de voyager en europe et le kite est sa porte de sortie de la misère de son village. Il m’apprend la capoera et à augmenter ma puissance. On pourrait le croire fou quand il se met à frissonner et tourner de l’oeil lors des ses étirements du soir. Il dit sentir de l’énergie le traverser. Les enfants restent bouches bées à le regarder. Moi aussi d’ailleurs, je suis jamais tranquille quand il fait ça!

Et il y a Ruan dit Campeon, le petit jeune de la bande! Il m’explique chaque jour une nouvelle partie du fonctionnement du club. Passionné et en quête de reconnaissance, il me renvoie parfois à mes propres défauts.

Mon boss, Conrado est un sage, un mec qui utilise la force de l’autre pour faire avancer les choses. Un passionné humble et à l’écoute.

Je me sens bien entouré

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Boa noite! Ici les choses se passent toujours de façon optimale…

Je navigue tous les jours en compagnie des tortues qui atteignent la surface pour prendre une bouffée d’air au milieu de jolies vagues qui traversent parfois le spot.

Je me régale avec des caldos, sortes de soupes aux morceaux de poissons ou crevettes et le tapioca coco/lait concentré sucré s’ajoute maintenant au rang de ces petites choses qui rendent la vie de tous les jours plus douce!

Je donne des cours de planche à des gens surmotivés et qui ont déjà un bon niveau. Ce qui est bien agréable tout de même… Un japonais nommé Kyu m’as acheté 20h de cours pour apprendre les premiers moves de freestyle et la navigation dans les vagues. J’ai vraiment le sentiment d’avoir fait le bon choix professionnel et personnel.DSCN0049

Bien sur rien n’est jamais parfait, et les 5 ou 6 criquets, salamandres ou grenouilles que je sors tous les jours de chez moi à toute heure du jour et de la nuit me rappellent que vivre plus proche de la nature c’est aussi faire une croix sur le confort européen/citadin auquel je m’étais tout de même habitué. Mais ce rituel quotidien me fait avoir un regard assez tendre sur ces petites bêtes qui me répugnaient au premier abord. Je suis devenu très sensible à la détresse du criquets prisonnier de ma chambre qui ne peut plus se nourrir et qui émet un petit sol dièse plaintif au milieu de la nuit…

Blague à part, j’ai été enchanté d’assister deux soirs d’affilée au concert d’un groupe de jazz de natal dans le petit bar de plage du coin. J’ai été surpris de la qualité de l’entrelacement sonore d’une guitare espagnole, d’une mandoline et d’une batterie, le tout parfois sublimé par la suave et douce voix d’une brésilienne à fleur de peau nommée Camila Masiso. Renseignement pris la formation à déjà écumé les prestigieux festivals de jazz tel montreux. Les pieds dans le sable, sirotant une caipifruta aux kiwis en écoutant des mots d’amour brésiliens accompagnés par une talentueuse formation jazz, je me suis senti bien, très bien même!

Je commence à me faire un nouveau réseau d’amis et connaissances ici, j’ai déjà mes petits endroits préférés, dont une boite/bar/resto située sur la plage, entourée de palmiers et séparée en deux par un ruisseau qu’un petit pont enjambe… L’esprit général est dirigé vers le plaisir de vivre, ce qui n’est pas pour me déplaire…

http://www.youtube.com/watch?v=wYYHaBbk0dE

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Oyoy!

C’est mon nouveau cri. Je sais pas si c’est portuguais mais à chaque fois les gens sourient au contact auditif de cette onomatopée sociale.

Le temps passe vite, bon signe selon la pensée commune. La jauge de bonheur varie constament mais forme globalement une onde d’une certaine amplitude. La question est entre quelles valeurs oscille t’elle. Sur 20, elle oscille actuellement entre 14 et 18. Le plaisir de la nouveauté y est malheureusement pour beaucoup aussi. Je ressens le besoin de profiter de cet endroit de sa culture et de ses gens, mais je me rappelle que rien ne reste figé, et surtout pas le bon temps. Alors 6 mois ici c’est top, mais plus sera bien et continuera decrescendo.

J’ai peut être trouvé un job sur l’île Maurice de mai à mi-aout pour ensuite revenir faire la saison d’hiver à Sao miguel. L’équilibre se trouve peut-être là. Le temps dira.

Petit bonheur simple d’hier, alors que je tirais un bord au large pour remonter au vent, je vis une barre d’écume sur la ligne d’horizon. Intrigué et excité par la perspective d’un haut fond créant une vague sauvage au mileu de l’océan, je me décidais à aller voir après avoir jaugé la distance entre la possible nouvelle zone de jeu et la plage. Quelques kmen diagonale sous le vent du spot. Arrivé sur place, un sourire se dessina sur mon visage et ne le quitta plus. Deux bords de reconnaissance plus tard je me placais sur la zone de déferlement je prenais mes premières vagues. Les tortues peuplant le récif m’ont fait le plaisir de venir prendre de l’air à intervalle régulier près de moi. Petites mais non moins attendrissantes, je ressenti une grande sensation de paix. Sentiment teinté par la peur, seul sous le vent des autres, j’étais exposé au risque de dériver très loin de mon point de départ en cas de casse ou blessure. J’aurais pu remonter au vent chercher quelqu’un pour venir en profiter aussi. Mais au milieu des vagues au large en seule compagnie d’animaux marins, j’ai fait le choix de ne pas rater une miette de ce que la marée montante effaçait petit à petit. Je finis la session lorsque l’eau fut trop haute pour que les vagues cassent. Rentrant au club, j’organise une session pour le lendemain avec les potes. Mais malheureusement le vent ne permit pas cela aujourd’hui, trop irrégulier et mal orienté.DSCN0737d

Ivanilson, Machine, s’est fait virer du club, trop indépendant d’esprit et n’acceptant pas de directives qu’il dédésapprouvaitil se retrouve maintenant freelance, et travaille quasiment autant qu’avant grâce à tous ses contacts locaux et sa réputation de prof de qualité. Il a trouvé son équilibre on dirait.

Sa musculature proéminente ne trompe que celui qui juge à l’apparence, quelques mots avec lui révèlent un homme curieux et sensible. Il me confiait sa préférence pour les étrangers, qui lui apportent plus que certains locaux parfois conditionné par l’esprit de village. Nos préférences croisées m’apporte une preuve de plus qu’on cherche toujours ce qui nous manque. La quête de l’équilibre semble intimement liée au désir et à la curiosité.

Les soirées sont hautement internationales; brésil, angleterre, japon, suisse, allemagne, france, argentine, russie, espagne, italie, caraïbes… Chacun avec ses traits caractéristique à sa nationalité, les clichés ne sont pas tabous ici, on prend conscience de ses particularités et on les assumes plus facilement. Mais les surprises n’en sont que meilleures: quoi de plus kiffant que de voir un japonais danser la samba aussi bien que les brésiliens?!

Bon, je prie pour qu’il reste un peu de jus de melon dans le frigo, j’en suis déjà accro, un peu épais mais tellement savoureux… Je vais essayer de pas me coucher trop tard, du vent et des vagues sont prévus pour demain!

Texte et photos : Alexandre Colin

 

Publié par Fred Bonnef

Fred Bonnef, alias la grandedouille, alias Gitano, connu en Andalousie sous le surnom de Dieguito la Cigala et aux Canaries sous celui de La Curbina, pro rideur wind et sup chez Fanatic, North sails, Ion et Outside Reef, voyageur, éducateur sportif, jardinier, plongeur, aide cuisine, cas pour la science, réparateur de voile, guerrier survivant, chanteur sous sa douche, directeur de course, rédacteur en chef de tripandride.com